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L'autoportrait: Anthropologie du corps et modernité


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Hey Hey.

J'ai fait un travail sur l'autoportrait cette session (hiver 2010). C'était un travail d'équipe. Au départ, je me disais que ce serait horrible. Finalement, ce fut extrêmement drôle et sympathique.

Nous avons choisi un texte de David le Breton: Anthropologie du corps et modernité et nous avons décidé à partir de ce texte de travailler l'idée de l'autoportrait.

Ceci est ma section du texte. Je ne publierais quand même pas le travail de mes collègues.

Je vous présente d'abord quelques artistes qui ont travaillé en ce sens à travers mon texte. J'aimerais ensuite que vous partagiez vos trouvailles et (peut-être) générer quelques discussions.

Donc allons-y:

Représentation du corps en mutation

Le corps-message et le corps-objet

Le corps est une entité, le corps est un objet. Le corps se moule. Certains artistes ont su prendre avantage de cette affirmation. Est-ce le corps devenu martyr ou le corps devenu message? Certes, il se trouve à être différent de la conception du corps habituelle de la société. Nous nous trouvons face à une mutation certaine de l'image corporelle. C'est en quelque sorte une extravagance affirmée de la société moderne. Par le passé, l'artiste n'avait qu'à se questionner sur son identité et ainsi démontrer l'image qu'il souhaitait, mais dans l'ère contemporaine, cela se définit autrement. Le corps est modelé, non pas à une image nécessairement commune, mais plutôt en fonction d'un individualisme grandissant. La question qui se pose maintenant dans les temps présents est: Qui suis-je ici? Que fais-je? Quel est mon rôle?

La mutation devient une réponse qui permet d'ouvrir l'imagination commune vers quelque chose de plus abstrait et de plus concret en quelque sorte. Elle permet de formuler des idées concises dans une image (parfois violente mais tout de même efficace). La sphère des probabilités inhérentes est énorme. De là l'intérêt. Tout les êtres vivants, vivant pour eux leur propre conception de la vie se trouvent à interpréter à travers leur corps (véhicule temporel) une vision de la vie qui leur est propre.

Orlan est une artiste plasticienne née le 30 mai 1947 dans la ville de Saint-Étienne. Elle utilise le dispositif de la mutation du corps pour faire ses autoportraits. C'est le cas d'un de ses autoportraits qui se nomme: Refiguration- Self Hybridation, American-Indian series #12.

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Ici, il est question d'une mutation particulièrement robuste. L'actrice principale (l'artiste ici) fait de sa métamorphose corporelle une réelle mise en scène. Orlan incruste sous sa peau des prothèses de plastique qui déforment son visage. Ici, il y a une culture sociologique de la femme révoltée qui expose de façon controversée une réalité bien présente. Celle de la chirurgie esthéthique. Elle en fait en quelque sorte un théâtre humain en démontrant des choses possibles et probables. Il est encore et toujours ici question de parler de la société que les artistes semblent trouver sclérosée.

«Le corps n'est pas une prothèse extérieure à nous-même, il se produit lui-même au moyen de ses hybridations avec son environnement. L'hybridité modifie le soi corporel par un travail, un jeu et un exercice qui actualisent de nouvelles possibilités d'être jusque-là inédites, non prévues par l'ontogenèse et interdites par les normes. Le vivant n'arrête pas de produire de l'être dans le corps en réalisant des capacités par sa plasticité matérielle, la variation étant ainsi obtenue par déprogrammation ou reprogrammation. Ce corps-devenir fait advenir en s'hybridant de nouvelles étapes de réalisation du soi qui ne sont jamais un soi-même. »1

Mise en scène

L'artiste devient en quelque sorte un acteur. Il joue ce qu'il souhaiterait être. Il joue le rôle de la personne qu'il voit comme la plus pertinente d'incarner. Ce fut souvent le cas de Rembrant. Il s'incarna plusieurs fois dans des métiers qui ne lui étaient pas propres. Il s'agit ici de se prendre pour un autre et à la limite, de performer une mutation sur soi pour «devenir un autre». C'est ici le cas de Gottfried Helnwein dans un auto-portait qui se nomme: .The last Days of Pompeii II (1987). Helnwein est un photographe ainsi qu'un peintre hyper-réaliste qui est né le 8 octobre 1948 à Vienne.

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Ici on parle d'une mutation et d'un personnage typiquement contemporain. Sémiologiquement, notre regard est porté vers la bouche ouverte et nous pouvons prévoir ainsi un signifiant sonore inexistant. Il y a quelque chose qui vient faire appel à notre oeil dans le langage corporel universel. Selon Charles Alexander Pierce, au delà du langage corporel, il y la connaissance. Il y a reconnaissance visible d'un visage humain et d'un comportement traduit en image. Les outils métalliques posés sur ses yeux mènent notre regard vers sa bouche ouverte (lignes de force). C'est une tactique qui met en scène en premier lieu le regard obstrué et ensuite la répercussion logique des faits: la bouche qui hurle, ouverte, béante, prête à gaver des inepties. Ce que notre oeil peut lire c'est: Une homme qui ne peut pas voir, mais qu'on gave de force.

Ici, nous avons affaire à une mutation non-réelle mise en scène et exigée de la part de son créateur, importante, car elle est le moteur premier de l'image. Elle se trouve aussi à être exigée par notre société. C'est un cri commun. Elle est l'incarnation ici de ce que le porteur (l'artiste) voulait démontrer. L'artiste en faisant de l'auto-portait mutant ne fait qu'être géniteur d'idées. Il expose délibérément ses idées comme si il en accouchait en simulant la souffrance impliquée.

Le corps Post-Humain dans l'auto-portait

Comme l'a dit David Le Breton, «Le soucis moderne du corps, au sein de notre «humanité assise», est un inducteur inlassable d'imaginaire et de pratiques. «Facteur d'individuation» déjà, le corps redouble les signes de la distinction, s'affiche à la façon d'un faire-valoir. Il se mue en accessoire de la personne, en objet privilégié d'un rapport au regard des autres. L'image donnée à voir à la surface vaut pour l'intériorité.»

L'avènement de la médecine moderne renforce cette impression du corps devenu un outil, un accessoire qu'on peut modeler, dédoubler. L'art contemporain se trouve à être fortement marqué par cette idée; notamment dans l'auto-portrait. Il s'agit en effet pour l'artiste d'utiliser le principe du clonage et de la transposer dans l'art. L'artiste permet ainsi une pérennité à son image. L'auto-portait est l'annonce de la possibilité de la vie éternelle et du dédoublement en plusieurs copies des réalités corporelles de l'artiste.

Il y a une possibilité d'arrêt dans le temps et de fixation d'une image dans un temps précis. La projection que l'artiste induit à travers diverses technologies fait de lui-même un accessoire médiatique.

C'est ici le cas de Ulrike Rosenbach avec sa performance vidéo «Don't believe I'm an Amazone». Elle est de nationalité allemande et est née en 1943 à Bad Salzdetfurth. À travers cette oeuvre, elle s'inscrit dans le temps et fige sa psyché, sa critique sociale. Elle retravaillera aussi plus tard à maintes reprises les copies médiatisées, véritables clones de sa personne, afin de peaufiner l'image projetée.

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C'est ainsi que l'autoportrait se développant en société annonce la mutation de celle-ci, l'avancée des moeurs, la modification de l'humain. Même par le médium de la peinture, nous assistons à la création de l'homme moderne, l'homme qui se moule en une image précise et calculée.

J'aimerais ensuite que vous partagiez vos trouvailles et (peut-être) générer quelques discussions.

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Le corps vu comme une machine, un objet que l'on doit entretenir vient davantage avec le concept du travail plutôt que la médecine en soi. Quoique je ne sais pas si c'est ce que tu as voulu insinuer avec «l'avènement de la médecine moderne». Au Québec au courant du 20e siècle, la religion catholique et la médecine ont conjointement contribué à la santé des travailleurs pour assurer une productivité constante (et, ce qu'il disait à l'époque, se préoccuper de «la survivance de la race canadienne française»). Je ne sais pas si ça été de même un peu partout, mais le corps vu comme un objet que l'on doit entretenir est typique de la culture moderne.

Anthropologie du corps est fascinant et possède des champs très vaste.

Avoir su que tu faisais un travail là-dessus, je t'aurais peut-être recommandés des lectures pour votre travail.

Cette hiver, j'ai fait un travail à ce sujet aussi (bah, le corps!) en répondant à la question suivante (que j'ai formulé moi-même en fait) : « Comment un homme enceint (transgenre, biologiquement femme) peut-il être compris auprès des sphères d'expertise médicale et psychosociologique, et de la population au XXIe siècle sous l'idéologie du risque? ». Je me suis pencher particulièrement sur le cas de Thomas Beatie, vous savez, le fameux homme enceint dont on a parlé il y a 2-3 ans? Le résultat donne environ 7-8 pages, donc je proposerai seulement un extrait :

Perception, interprétation et réaction de l'image du corps enceint

Il y a différents points de vue dans différentes catégories de gens relatif à la grossesse, que ce soit fait de manière traditionnelle ou comme le cas de Beatie. Et pourtant, en lisant le mémoire de Lachapelle, on peut se rendre compte qu'il y a plusieurs aspects différents, mais aussi très semblables entre ces deux manières d'envisager la grossesse : surtout dans l'expérience individuelle qu'elle procure. C'est davantage dans le point de vue politique et gouvernemental que le cas de Beatie pose des problèmes étant donné qu'elle s'écarte de la sphère traditionnelle.

Point de vue de l'actrice avec son expérience personnelle de grossesse

Les femmes ont un point de vue partagé concernant l'image de leur corps lorsqu'elle enfante : elles peuvent être surprise et heureuse des changements physiques qu'elles vivent qui attirent une attention particulière des gens; et elles peuvent s'attrister du changement en se sentant complètement dépossédées de leur corps par ce trop-plein d'attention (Lachapelle 2005 : 44). Certaines vont éprouver un malaise tout comme une fierté et une fascination, parfois il se peut que ce soit un mélange de tout cela (Ibid : 45). La grande différence, je crois, qui distingue les femmes dans les maisons de naissance de Lachapelle et le cas du transgenre, c'est le discours du corps-machine : «les représentations du corps-machine n'occupent pas une place importante dans l'imagerie que les femmes […] se font de leur corps lorsqu'elles sont enceintes» (Ibid : 51) et au contraire, le discours qui se rapproche un peu de notre homme enceint, serait celui des femmes ayant accouché en milieu hospitalier. Elles construisent, fabriquent un bébé (Ibid : 50), comme le souligne Beatie concernant son cas : «Je ne me sens pas comme une mère, mais plutôt comme un contenant (vessel) en inscrivant mon corps temporairement à mettre la vie dans ce monde» (traduction approximative, ABC 2008 : Part 1).

Dans ma recherche de l'expérience de grossesse de Beatie, je n'ai pas eu beaucoup d'information à propos de sa relation avec la douleur lors de l'accouchement. Seule Barbara Watters lors d'une interview lui a demandé comment il trouvait la douleur, ce à quoi il a répondu «Ça fait mal d'une manière spéciale» (traduction, ABC 2008 : Part 3) accompagné de rires. Il n'a pas plus précisé sa pensée. Mais ce que je trouve intéressant, c'est qu'il associait ce moment -et cette douleur- à la motivation de mettre un enfant au monde, de donner vie. Ce qui m'a rappelé un passage du mémoire de Lachapelle où elle discute de l'encouragement des sages-femmes aux actrices enceintes de trouver un sens à leur (future) douleur (Lachapelle 2005 : 89) pour y faire face plus facilement. Chose certaine, la première expérience avec la douleur de Thomas ne l'a pas empêché de poursuivre son objectif de former une famille en se préparant à un deuxième enfant. La douleur serait quelque chose de nécessaire pour mettre au monde.

Point de vue des acteurs indirects à l'expérience de grossesse

Autant que la grossesse puisse amener une fascination chez les femmes qui enfantent, autant qu'il y a des gens indirectement impliqués à cette grossesse fascinés par ce phénomène. Lachapelle explique : «Il va sans dire que le corps-contour transformé attire aussi le regard des autres sur soi. Cette attention inhabituelle a ses avantages, mais aussi certains inconvénients. Si elle provoque, chez les gens, l'envie d'adopter des comportements bienveillants autour de la femme enceinte et entraîne une curiosité inaccoutumée à de l'égard de celle-ci, elle peut parfois devenir envahissante» (Ibid : 44). Habituellement, la famille immédiate donnera beaucoup voire trop de bonne attention à ces femmes lorsqu'elle porte l'enfant; ce qui est un peu le contraire pour Beatie. Sa propre famille ne le soutient pas vraiment dans ce processus. Son frère lui a même souligné qu'il donnerait naissance à un monstre; seule la famille de sa conjointe semble plus réceptive à la grossesse de Thomas et en ressent même une fierté pour le couple Beatie (ABC 2008 : Part 2). Étrangement, j'aurais cru que les groupes homosexuels et ceux des transgenres auraient appuyer la démarche de ce dernier : mais semblerait qu'aucun d'entre eux ne donnait un support. Au contraire, ils voulaient que ce dernier se cache, n'aille pas en public; ils allaient jusqu'à dire qu'il ruinerait les espoirs des homosexuels et transgenres à se faire accepter et d'avoir des droits s'il s'exposait à tout le monde. Seuls des individus des quatre coins du globe, ayant l'intuition que ce dernier se ferait attaquer de par et d'autres, l'ont supporter en lui envoyant des lettres postales, courriels, etc. Mais ce n'était pas un cas majoritaire, les messages haineux étaient de la partie également : «God made you a woman and that's he wants you to be. God does not make mistakes […] you should take that baby away from you!» (Retranscription approximative, Ibid). Les menaces de mort, autant pour lui que son enfant n'était pas chose rare.

Point de vue politique et gouvernemental

Dans ces nouvelles techniques de reproduction, nous sommes très souvent en présence de trois individus importants; deux parents biologiques et un social. Avant et pendant la conception, tout semble être évident au niveau de leur rôle, mais lorsque l'enfant naît, c'est à ce moment que tout peut se compliquer, car on «brouille les cartes de filiation» (Ghasarian 1996 : 229). Et c'est exactement ce qu'il est arrivé lorsqu'il est venu le temps de compléter des papiers légaux pour le couple Beatie; sans compter la confusion et l'inquiétude de la population générale quand on aborde les termes de parenté de leur famille surtout quand un transgenre est concerné ce qui rend la situation encore plus particulière. Comme si quelque chose de nouveau, étranger, était considéré comme anormal jusqu'à ce qu'on puisse mettre un nom, une étiquette sur la chose. Légalement, sur le certificat de naissance de leur premier enfant, Thomas est nommé la mère et Nancy le père parce que l'individu qui accouche est automatiquement considéré comme la mère; mais le couple voulait le contraire. Si on place Thomas comme le père, Nancy n'aura aucun droit sur l'enfant, car elle n'a aucun lien biologique. Selon les experts en droit, le seul moyen actuellement pour elle de se faire reconnaître serait de prendre la même procédure que les couples du même sexe, soit d'adopter la petite : de cette manière, s'il arrive quelque chose à Thomas, sa conjointe sera en mesure de garder son enfant (ABC 2008 : Part 3).

Pis là ben, si vous avez un gros trip de vouloir lire le travail complet ou en discuter, tell me. ^_^

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