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Le blog d'un odieux connard


Déchet(s) recommandé(s)

Je suis tombé sur ce blog en furetant sur je-n'sais-plus-quoi, j'me suis dis que ça intéresserait peut-être des gens.

Je trouve certains écrits très bien faits.

Bescherelle-runner

Paris, octobre 2059

Le verre de synthé-scotch claqua sur le comptoir du bar lorsque Richard Dequart le reposa sans précaution après l’avoir vidé cul-sec. Derrière le zinc, l’hôtesse lui jeta un regard légèrement méprisant avant de s’emparer de l’objet, hésitant quelques secondes lorsqu’elle aperçut le type en trench-coat lui commander d’un geste de la main hésitant de le remplir à nouveau. Sitôt qu’elle eut glissé le verre aux glaçons craquant à l’air libre sous le nez de son client, Richard s’en saisit et le vida à nouveau d’un trait.

“Ancore.

- Je croit que vous aver assez bu pour ce soir, Runner.”

Richard releva péniblement la tête pour fixer la jeune fille de ses yeux vitreux ; en grattant le mauvais rasage descendant de sa chevelure désordonnée aux tons châtains, il se demanda l’âge que pouvait avoir la serveuse. Probablement la moitié du sien : il se sentait vieux et hors-jeu rien qu’à la regarder ; elle n’avait probablement jamais connu les émeutes de 2038, et les épidémies de 2022 devaient être d’ennuyeuses histoires de ses parents.

“J’ai dis ancore. Je payes assez d’eurocrédits pour sa.

- Vous connaisser les règle : pas de F5 après le second sans un alcootest d’abord.”

“Sociéter de mairde“, marmonna Richard. Il détestait l’expression “F5“, petit truc rétro supposé vouloir dire “rafréchissemment” sans qu’il comprenne bien pourquoi. Truc rentré dans le dictionnaire en 2019 en référence à des pièces de vieilles machines du XXe siècle dénommées “clavier“, ou quelque chose du genre, si ses souvenirs de l’académie étaient bons.

Richard était un Runner, un membre d’une force d’élite chargée de faire respecter les nouvelles conventions grammaticales et orthographiques. Depuis les grands combats des années 2010, la langue n’avait eu de cesse d’évoluer pour devenir plus belle, plus égalitaire ; hélas, dans l’ombre, des hommes et des femmes d’obédience fasciste continuaient de vouloir préserver les règles de l’ancien monde et prétendaient que tout cela, c’était “de la connerie“. Les Runners étaient là pour les empêcher d’agir ; formés dans une académie spéciale au tir, au combat au corps à corps et aux règles de grammaire passées et présentes pour savoir tant ce qu’ils défendaient que comprendre leur ennemi, ils pourchassaient sans relâche les membres de ces groupuscules pour les renvoyer en rééducation à Skyblog Bay, un centre de coercition grammaticale tenu par une corporation privée travaillant main dans la main avec l’Etat.

france-2059.jpg

En 2041, le rouge a été remplacé par le rose, parce que "Les garçons ont le droit au bleu sur le drapeau, alors pour avoir l'égalité, il nous faut le rose, sinon c'est machiste"

Derrière les persiennes qui couvraient les vitrines du bar, Richard pouvait apercevoir sur le vieux mur en face de l’établissement des tags de ses ennemis, qui bien qu’invisibles la plupart du temps, n’avaient de cesse de couvrir la cité de règles de grammaires et de conventions orthographiques dictatoriales et passéistes. Là, sur ce mur de résidence fatigué, on pouvait lire à la lueur d’un lampadaire grésillant “Dilemme, pas dilemne !” ou “L’infinitif, c’est pas impératif !” juste au-dessous d’une inscription officielle “Afficher ici se que vous vouler” certifiée par le Ministère de le Francophonie.

Faire respecter le Francophonie était relativement complexe dans ce monde qui n’avait de cesse d’évoluer : chaque mois, l’assemblée passait de nouveaux mots et nouvelles règles pour suivre des lobbys influents ; régulièrement, de nouveaux messages tombaient sur l’I-Plant de Richard, son implant crânien de dernière génération lui permettant d’enregistrer directement dans sa mémoire les nouvelles règles à appliquer. Parfois, il se demandait comment on faisait, avant tout cet équipement. Son mentor, Matthéo rOkssOr_18 lui racontait souvent comment les choses étaient difficiles, au début, quand les gens se montraient encore tellement conservateurs qu’il fallait se battre pour appliquer la moindre nouveauté à la langue. Richard ricana en repensant à la première fois où il avait rencontré Matthéo, la légende des Runners, les yeux embués par l’émotion : c’était rOkssOr_18 qui avait abattu Bernard Pivot, l’un des leaders fascistes alors qu’il réunissait en secret des gens dans les catacombes de Paris pour donner… des dictées. Brrr.

“Poke !

- Poke.”

La clochette au-dessus de la porte du bar tinta lorsque le nouvel arrivant la passa, saluant la salle de la manière traditionnelle imposée par la Grande Réforme de 2030, dites “Facetweet“, du nom de la corporation ayant soutenu son passage à l’assemblée et fait rentrer “J’aime” comme nouvelle manière d’approuver un propos dans le dictionnaire. Richard observa le type aller s’asseoir sur l’un des tabourets près du zinc, faisant craquer le faux-cuir de tout le poids de son embonpoint. Derrière eux, une femme âgée qui savourait jusqu’alors son sojakawa en lisant le journal s’approcha du I-Juke pour lancer un bon vieux morceau du début du siècle, du Justin Bieber. Y’a pas à dire, les vieux morceaux étaient toujours les meilleurs. On savait faire de la musique en ce temps-là.

“Allez Runner, oublier l’alcootest, vous m’aver l’air bien nostalgique. Raconter-moi ce qui vous rends triste comme sa.”

Richard se retourna vers la serveuse, notant que celle-ci s’était accoudée sur le comptoir, ouvrant ainsi un formidable point de vue sur l’intérieur de son débardeur ; le Runner se concentra pour fixer ses yeux, se répétant intérieurement qu’il aurait pu être son père.

“Vous saver, je ne fait pas un métié facile. Des fois, je me dit que je me fait vieux, que je n’arive plus à suivre.

- LOL c’et normal, vous saver. Depuis qu’ons ont nommé Cyber-Xavière Tibéri en tant que ministresse de le Francophonie, c’est vrai qu’il y a pas mal de loi chaque semaine, sa dois être dur à suivre.

- J’aime. Les conservateurs sons d’ailleurs de plus en plus actif ; un nonbre croissant d’illuminer de leur secte considère le Bescherelle comme un livre sain ; l’autre jour, ons ont carrément tenter de posé une bonbe station Loovre-Rivaulee, au motif que la nouvelle plaque apposer après les réfexions ne serait pas conforme au nom original de l’endroits. Quel bande de passéiste !

- Oui, les mêmes qui ont refuser que l’on transforme des noms masculins en féminins et inversement afin d’obtenir la pariter dans le dictionnaire. Foutus rétrograde ! S’est pas avec des gens comme eux que nous les femmes, on aura un jour l’égaliter.

- Je sait, vous n’imaginer pas à quel point ons considèrent les textes comme importans. L’autre jour, on en a encore choppé une dizaine qui dealé des texte d’un certain “Maître Eolas” directement au pied de la tour Eifelle. Ons osent tout.”

RTEmagicC_eiffel_intro.jpg.jpg

En 2059, la suppression des cours d'histoire-géographie a persuadé l'ensemble de la population que la tour Eiffel avait été érigée en hommage au groupe de musique éponyme.

L’implant crânien de Richard tourna à plein régime tout du long de la conversation, analysant la prononciation et l’élocution de son interlocutrice pour confirmer qu’elle utilisait les règles officielles de le Francophonie ; c’était à ça que l’on reconnaissait les conservateurs, ces fichus terroristes : aux détails. Mais tout du long, l’hôtesse avait utilisé les règles officielles correctement : du LOL (intégré au dictionnaire en 2018), un refus des accords (considérés comme sexistes en 2015), une utilisation aléatoire de l’orthographe et de la grammaire (la chute des notes de français avait alerté en 2023 Steevy Boulay, ministre de l’éducation lors du second mandat de Jean-François Copé, et afin de redresser les notes des élèves, avait fait supprimer les cours de français permettant ainsi de satisfaire tant les bambins que les journalistes qui critiquaient les statistiques des échecs au bac français, ainsi que l’on réglait tous les problèmes d’éducation depuis 2002). Bref : cette jeune fille était une citoyenne exemplaire, véritable Molière moderne quant à sa maîtrise de la langue ; cela faisait toujours plaisir de discuter avec des gens éduqués, qui savaient utiliser correctement la nouvelle personne du pluriel, “Ons“, remplaçant avantageusement “Ils” et “Elles“, pronoms porteurs de préjugés.

“Vous parler drolement bien, belle maitrise de la langue. Dite-moi: d’ou vous viens cette éducacion ?

- Ho, j’étudis un peu… je voudré ètre conservatrisse au Musée de l’Homme ET DE LA FEMME. Serveuse, s’est juste le tant de payé mes étude.

- Beau projais.

- Merci. Maintenent, excusé moi, je vai servir l’autre cliant.“

Elle s’éloigna d’un pas rapide jusqu’à son voisin, prenant la commande pendant que Richard se demandait ce qu’il en aurait été de lui si le monde n’avait pas tourné ainsi. Aurait-il sacrifié autant pour son travail ? Se serait-il marié ? Aurait-il pu voir grandir une fille comme celle là, et l’aider à poursuivre ses ambitions ? Tout avait commencé avec la loi sur la libre orthographe des prénoms et le choix de ceux-ci, et ensuite, tout s’était enchaîné : fin de certains mots, apparition de nouveaux, mise en place de lois précises… parfois, il se demandait ce qu’il se serait passé si, au lieu de changer les règles pour s’adapter aux nouvelles générations qui prétendaient ne pas arriver à les apprendre, on avait amélioré l’éducation des dites générations pour qu’elles puissent apprendre au moins aussi bien que leurs ancêtres ? Il chassa brièvement cette idée de son esprit, se disant que c’était probablement comme cela que l’on devenait un vieux conservateur.

Soudain, sa vision devint rouge, et de nombreux messages d’alerte s’affichèrent sur son holo-rétine, l’informant d’un danger immédiat. Bondissant en arrière en faisant choir son tabouret dans le mouvement, Richard tira de son holster son pistolet, braquant le laser de visée vers le type obèse qui s’était assis à sa droite tout en tirant son badge de sa poche.

“Dit donc toi, le gros !

- Pardon ? Moi Moncieur ? Que… qu’aisse que j’est fait ?

- Regarde mon badge ! Runner d’Etat, division des crime ortografiques ! Allonge toi sur le saule !

- Mer enfin je… je venez juste…

- Tu t’ai trahi ! Passe encore ton accent, mais tu vient d’appelé la dame “Mademoiselle !” Tu c’est très bien que c’et interdis, car sexiste !”

Le type à l’épatant embonpoint baissa doucement les mains, observant la sueur couler sur les tempes du Runner.

“Bravo Runner, pour ce coup, vous m’avez eu. Mais vous aviez raison sur un point : nous sommes de plus en plus actifs. Grammaire vaincra !“

Le temps que Richard appuie sur la gâchette, le type avait déjà ouvert en grand sa veste, révélant que son large bourrelet n’était pas constitué de gras, mais de bien autre chose.

“Du Tekssmeksse !“

Hurla le Runner avant qu’une explosion ne le réduise, ainsi que l’intégralité du café “Le Facebar“, à l’état de chaleur et de lumière.

Louise bondit en hurlant dans le lit, apposant ses mains partout sur elle-même pour s’assurer qu’elle était bien réveillée ; la sensation de la sueur sur sa peau coulant entre ses doigts lui confirma que tout cela n’était qu’un mauvais rêve.

“Grmmmbllll…. c’que c’est ?” – dit une voix pâteuse à côté d’elle.

Elle hésita quelques instants, cherchant à se rappeler les détails de son rêve.

“Je… j’ai rêvé que la langue française était régie par des lobbys plus ou moins idiots qui demandaient des modifications de la loi pour un oui ou pour un non. Hoooo, si tu savais, c’était affreux !

- Hmmmm…. pffff… du genre ?

- Et bien par exemple, les féministes avaient demandé à ce que l’on féminise des accords, ou des mots en pagaille pourvu de donner l’impression de faire avancer la cause… c’était bizarre.”

Son voisin se redressa dans le lit.

“Louise allons : les féministes ne sont pas si bêtes ; je veux dire : même en féminisant les accords, du genre en utilisant la règle du “l’adjectif s’accorde avec le dernier nom dans une suite, et pas automatiquement le masculin s’il n’y a pas uniquement des termes féminins”, ce serait complètement idiot : il resterait le “Ils” et le “Elles” : 999 filles et 1 garçon font “Ils”. Alors à moins qu’elles décident de demander à ce qu’on applique cette règle en comptant les participants pour dire si il y a une majorité de “Ils” ou de “Elles” et en cas d’impossibilité de le déterminer, du genre ils sont un nombre égal ou inconnu, utiliser un nouveau pronom “Ons”, ce serait un combat non seulement inintéressant mais parfaitement stupide puisque ne changeant rien.

- Oui, mais dans mon rêve, pour elles, c’était la langue française qui était sexiste.

- Allons, te dis-je ! Si c’était vrai, et si une langue influençait vraiment les gens, alors les féministes en question ne pourraient pas exister, puisqu’elles parleraient le français expliquant que quiconque parle français a une vision des choses machiste ! Leur simple existence serait donc la preuve de l’absurdité de leurs arguments. Allez, calme-toi.

- Oui… tu as raison…

- Maintenant, en parlant d’égalité hommes-femmes, je ne me souviens pas avoir entendu ces dames hurler sur le fait que les hommes ne peuvent pas avoir autant d’orgasmes qu’elle, alors hop, au boulot mademoiselle.”

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Louise bondit en hurlant dans le lit, apposant ses mains partout sur elle-même pour s’assurer qu’elle était bien réveillée ; la sensation de la sueur sur sa peau coulant entre ses doigts lui confirma que tout cela n’était qu’un mauvais rêve.

“Grmmmbllll…. c’que c’est ?” – dit une voix pâteuse à côté d’elle.

Elle hésita quelques instants, cherchant à se rappeler les détails de son rêve.

“Je… j’ai rêvé que la langue française était régie par des lobbys plus ou moins idiots qui demandaient des modifications de la loi pour un oui ou pour un non. Hoooo, si tu savais, c’était affreux !

- Hmmmm…. pffff… du genre ?

- Et bien par exemple, les féministes avaient demandé à ce que l’on féminise des accords, ou des mots en pagaille pourvu de donner l’impression de faire avancer la cause… c’était bizarre.”

Son voisin se redressa dans le lit.

“Louise allons : les féministes ne sont pas si bêtes ; je veux dire : même en féminisant les accords, du genre en utilisant la règle du “l’adjectif s’accorde avec le dernier nom dans une suite, et pas automatiquement le masculin s’il n’y a pas uniquement des termes féminins”, ce serait complètement idiot : il resterait le “Ils” et le “Elles” : 999 filles et 1 garçon font “Ils”. Alors à moins qu’elles décident de demander à ce qu’on applique cette règle en comptant les participants pour dire si il y a une majorité de “Ils” ou de “Elles” et en cas d’impossibilité de le déterminer, du genre ils sont un nombre égal ou inconnu, utiliser un nouveau pronom “Ons”, ce serait un combat non seulement inintéressant mais parfaitement stupide puisque ne changeant rien.

- Oui, mais dans mon rêve, pour elles, c’était la langue française qui était sexiste.

- Allons, te dis-je ! Si c’était vrai, et si une langue influençait vraiment les gens, alors les féministes en question ne pourraient pas exister, puisqu’elles parleraient le français expliquant que quiconque parle français a une vision des choses machiste ! Leur simple existence serait donc la preuve de l’absurdité de leurs arguments. Allez, calme-toi.

- Oui… tu as raison…

- Maintenant, en parlant d’égalité hommes-femmes, je ne me souviens pas avoir entendu ces dames hurler sur le fait que les hommes ne peuvent pas avoir autant d’orgasmes qu’elle, alors hop, au boulot mademoiselle.”

Louise fit brièvement la moue avant de disparaître sous les draps.

M’allumant un cigare, je me félicitais de ne pas être féministe : si je l’étais, je n’ose pas imaginer à quel point je deviendrais fou si des gens prétendant l’être sortaient ce genre d’énormité.

Le blogue ici.

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