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L’intersectionnalisme est un néomarxisme


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"Si le "néolibéralisme" désigne de nos jours, dans le vocabulaire courant, le mode de production capitaliste, le "néomarxisme" caractérise le champ intellectuel. Ce courant de pensée consiste notamment à nier la "nature humaine" et le "droit naturel", aux origines de l'humanisme classique, pour leur substituer une dimension toujours sociale, hiérarchique, qui appelle à une libération bienfaitrice. Chez Marx, les rapports de production déterminent la lutte des classes, pour les néomarxistes ce sont les rapports sociaux. Leur raisonnement repose sur une vision binaire de l'évolution du monde, polarisé entre dominants et dominés, oppresseurs et victimes, ce qui leur offre l'avantage de pouvoir sortir du champ strictement économique pour embrasser d'autres causes : racialisme, indigénisme, féminisme notamment. En d'autres termes, le mode de pensée marxiste a quitté le terrain économique et social pour investir le domaine culturel au sens large, civilisationnel si l'on peut dire. Dans les universités, les départements de sciences sociales sont assaillis d'études critiques, de "griefs" catégoriels, qui fragmentent l'héritage culturel commun sur des critères exclusivement identitaires. Ce processus contribue à affaiblir les fondements de la démocratie en formant des citoyens plus endoctrinés qu’informés et instruits. Il en ressort des jeunes bardés de diplômes, mais ignorants du passé, et incapables surtout de distinguer l'égalité devant la loi de l'égalitarisme.

"De nouvelles frontières entre le bien et le mal sont dressées, qui permettent de délimiter les justes causes à défendre. Il ne s'agit pas ici de juger de la pertinence ou de la justesse de ces revendications sociétales, mais de constater qu'elles favorisent l'extension du domaine de la lutte, sur des bases marxistes plus ou moins explicitées. Le retentissant échec du communisme a obligé l'utopie à se reconvertir en promesse de libération sociale, en usant de schémas de pensée comparables. En termes plus triviaux, disons que le néomarxisme met la charrue (la domination sociale) avant les bœufs (l'exploitation économique), il privilégie les conflits sociétaux en se libérant de la vision ouvriériste de l'idéologie pour en sauvegarder l'espérance libératrice grâce à un déplacement des luttes sur le terrain des frustrations multiples qu’engendre la démocratie, le tout au nom d'un égalitarisme toujours mobilisateur. Marx s'est vanté en son temps d'avoir remis l'idéalisme de Hegel sur ses pieds, les épigones de l'« intersectionnalité des luttes » s’emploient maintenant à remettre Marx sur la tête. Outre la radicalisation du discours qui renvoie à une dichotomie de type communiste - bons contre méchants -, ces nouvelles luttes sociétales usent de la culpabilisation pour occuper le camp du bien. Les "coupables" sont sommés de justifier l'injustifiable, sur le racisme, le colonialisme, le sexisme, selon une problématique choisie par leurs procureurs, en usant d'un même type de terrorisme intellectuel qui fit le succès du totalitarisme.

"Chaque génération, ou presque, croit détenir la solution pour assurer le bonheur de ses contemporains. Le communisme idéalisée ayant été pour l'essentiel un phénomène intellectuel, il est logique que ses succédanés trouvent refuge de nos jours dans des sphères universitaires, coupées le plus souvent des réalités de ce monde. Ces nouveaux maîtres-penseurs, convaincus d'ouvrir des voies originales à la raison, ne font que ressasser des slogans éculés et usés d'anciens codes. La lutte des classes est reconvertie en guerre des genres ou des races par un retour aux fondamentaux rouge-brun ; le décolonialisme, l’indigénisme rejouent à la leur manière la geste des mouvements de libération nationale d'hier ; la cancel culture, qui prétend du passé faire table rase, singe le réalisme socialiste de triste mémoire en revisitant l'histoire non pas telle qu'elle a été mais telle qu'elle devrait être aux yeux d'aujourd'hui. Même le "crime de pensée", apanage des régimes totalitaires, est de nouveau brandi contre ceux qui résistent à ces nouveaux diktats. Quant au bouc émissaire, élément indispensable pour la cohésion de toute lutte, le mâle blanc y a avantageusement remplacé le bourgeois capitaliste. L'état d'esprit woke qui souffle sur ces luttes sociétales, selon une mode venue des États-Unis - où une large part de la population ignore à peu près tout des tragédies de l'histoire, où une majorité des moins de 30 ans rêve du socialisme sans rien en connaître -, ajoute à la confusion. Ces "éveillés" autoproclamés, mus par leurs réflexes idéologiques, n’incarnent nulle avant-garde ; ils nuisent plutôt à l'intelligence de ce monde en mutation, comme hier le marxisme s'est fourvoyé à vouloir comprendre la logique du capitalisme en expansion."

Thierry Wolton, Penser le communisme, Grasset, 2021, pp. 253 - 255.

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il y a 3 minutes, Ecce Homo a dit :

câline, on n'a jamais discuté de ce thème sur le Dépotoir, merci pour ce sujet inédit. :smurf_meh:

On gage-tu qu'il ne comprend pas un traître mot de ce qu'il a collé ici et qu'il l'a seulement fait parce que, de ce qu'il déduit, l'auteur le conforte dans ses certitudes?

Il défendra le texte en disant "ça a été écrit par un mec reconnu" et ne sera pas capable d'avoir une discussion sur le contenu de l'article.

Ça aussi, c'est inédit.

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Le 2021-12-13 à 12:48, DASRI 3.0 a dit :

Euh sois gentil stp, il a perdu sa mere et tout quoi. 

Attention je vais faire comme toi et brailler comme une conne toxique aux admins.

Le 2021-12-13 à 10:38, MattIsGoD a dit :

On gage-tu qu'il ne comprend pas un traître mot de ce qu'il a collé ici et qu'il l'a seulement fait parce que, de ce qu'il déduit, l'auteur le conforte dans ses certitudes?

Il défendra le texte en disant "ça a été écrit par un mec reconnu" et ne sera pas capable d'avoir une discussion sur le contenu de l'article.

Ça aussi, c'est inédit.

Je comprend tout les mots ne t'en fait pas monsieur le prof.

Le 2021-12-13 à 11:10, RBC a dit :

Pourquoi citer des articles au lieu d'écrire tes propres textes ? Bouffon. 

Ca fit longtemps que je sais qu'écrire un long texte est une perte de temps et d'énérgie sur ce forum.

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Il y a 3 heures, Tomás de Torquemada a dit :

Attention je vais faire comme toi et brailler comme une conne toxique aux admins.

Les admins ? Tu veux parler de drox l'incapable ou de JPEG et ses stats soit disantes excellentes qui a fini par abandoner son poste dans le silence radio ?;:tell_me_more:

Non tu dois vouloir parler de la moderation qui a en commun avec toi d'etre une grande gueule qui ne fait rien :daria-restingbitchface:

Terrifiant, je suis paralyse d'effroi.

Je prenais ta defense mais esperer de toi de piger quelque chose, c'est trop te demander. Whatever. 

 

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  • 3 semaines plus tard...

La matrice de la domination/oppression

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Les problèmes de pouvoir structurels, systémiques, sont invisibles tant que les gens qui y sont confrontés ne les mettent pas à jour. Pour les deux chercheuses, l’invisibilité est un produit de la science des données et de la « matrice de domination » (un concept que forgea la sociologue Patricia Hill Collins) qui s’imposent à tous et plus encore à ceux qui sont à l’intersection de genre, de race, d’identité, de capacité, d’origine… des systèmes d’oppression.

 

Il faut prendre conscience de l’éléphant qui se cache dans les data centers. Pas plus les données que ceux qui pratiquent cette science ne sont représentatifs. « Les risques encourus lorsque des personnes issues de groupes dominants créent la plupart de nos produits de données – ne sont pas seulement que les ensembles de données soient biaisés ou non représentatifs, mais d’abord qu’ils ne soient jamais collectés du tout ».

 

 

Depuis 1990, suite au meurtre de Jeanne Clery, une loi visant à améliorer la collecte de données relatives aux crimes commis sur les campus américains a été votée, imposant de mettre à la disposition du public ces statistiques. En 2016, trois étudiants en journalisme de données ont téléchargé ces données collectées par le Clery Center (@CleryCenter) pour comprendre ce qu’il en était de la culture du viol sur les campus. Ils se sont rendu compte qu’un petit établissement rural du Massachusetts semblait connaître bien plus d’agressions sexuelles que la prestigieuse université de Boston. En enquêtant, ils se sont rendu compte que certains établissements publiaient leurs chiffres et que d’autres avaient les ressources institutionnelles nécessaires pour les minimiser, notamment en accompagnant les victimes pour minimiser les plaintes. Les chiffres ne parlent pas d’eux-mêmes à nouveau, les données sont bien souvent « cuites et recuites » que brutes, c’est-à-dire toujours obtenues, toujours travaillées et retravaillées, sensibles à nombre de facteurs externes qui président aux multiples étapes de leur production. Bien souvent, les données tiennent plus d’indicateurs culturels qu’elles ne décrivent une réalité. Pour les chercheuses, nous avons besoin de bien plus de théorie et de bien plus de contexte pour saisir les enjeux de pouvoir des données. Les chercheuses prennent l’exemple des travaux qu’a mené Desmond Patton (@DrDesmondPatton) du SafeLab afin d’utiliser l’IA pour comprendre le rapport à la violence des jeunes de Chicago. Mais pour mieux comprendre un jeu de données de tweets, il a utilisé certains de ces jeunes pour mieux classer les données. Il a ainsi remarqué que des tweets utilisant des termes agressifs, comme le terme « tuer » ne visait pas tant à menacer d’autres personnes qu’à faire souvent référence à des paroles de chansons et donc à partager des symboles culturels. Pour les deux chercheuses, cet exemple souligne combien il ne peut y avoir de sciences des données sans le nécessaire travail social qui en éclaire le sens et l’action.

...

 Criado-Perez commence par exemple en racontant le travail réalisé dès 2011 par la ville de Karlskoga en Suède afin de réévaluer toutes leurs politiques publiques en les examinant sous l’angle du genre. Parmi les problèmes soulevés par cet examen, les autorités ont constaté que leur manière de déneiger les routes était sexiste ! Comme dans nombre de localités, Karlskoga déneigeait en commençant par les grandes artères et en terminant par les trottoirs et les pistes cyclables. Or, cette façon de faire n’affecte pas indifféremment les hommes et les femmes, notamment parce qu’ils ne se déplacent pas de la même façon : les femmes réalisent plus de déplacements de proximité pour prendre soin des plus jeunes ou des plus âgés. La ville de Karlskoga modifia donc l’ordre des opérations de déneigement pour donner la priorité aux piétons et aux utilisateurs de transports en commun au prétexte que conduire une voiture dans la neige est souvent plus simple que d’y pousser une poussette. L’un des effets de la mesure a été de diminuer le nombre de blessées suite à des chutes, un problème qui affectait surtout les femmes, remarquant d’ailleurs que le coût des accidents de piétons était deux fois supérieur au coût de l’entretien hivernal des routes. La planification du déneigement n’a jamais été conçue délibérément pour favoriser les hommes au détriment des femmes, souligne très justement Criado-Perez, mais relevait d’une absence de données genrées. Les hommes avaient conçu cette planification par rapport à leurs besoins, à leur vision, sans envisager que les besoins du reste de la population pouvaient être différents. D’ailleurs, trop souvent encore, les déplacements non motorisés ne sont pas considérés comme pertinents dans l’élaboration des politiques en matière d’infrastructures de déplacement, comme le montre très bien la place réduite qui leur est dévolue.

 

Cette prise en compte des déplacements selon le genre n’est pas propre aux pays socialement évolués du nord de l’Europe. Vienne, en Autriche, a été une municipalité soucieuse d’équité dès les années 90. Aujourd’hui, ce sont les grandes villes espagnoles qui sont à la pointe, à l’image du réseau des Fearless Cities initié par Barcelone dès 2017, qui a participé à renouveler le « municipalisme », visant à raviver la pratique politique locale en démultipliant les expériences de démocratie radicale (voir notamment Le Guide du municipalisme, Charles Léopold Mayer, 2019 qui documente nombre d’expériences de ce réseau). Criado-Perez dresse le même et accablant constat quant à l’utilisation des espaces publics. Quand ceux qui les conçoivent ne prennent pas en compte les questions de genre, ces espaces deviennent des espaces masculins par défaut. Dès les années 90, Vienne a montré que la présence des filles, dès 10 ans, diminuait dans les parcs et terrains de jeu publics du fait de leur conception. Les grands espaces ouverts poussaient les filles à abandonner l’espace aux garçons. Même constat en Suède où les responsables des villes se sont rendu compte que les financements publics allaient majoritairement aux sports dominés par les garçons. Non seulement les villes dépensaient plus pour l’équipement de sports masculins, mais les sports féminins étaient bien moins financés et bien souvent, les filles devaient dépenser plus d’argent que les garçons pour les pratiquer de façon privée – pour celles qui le pouvaient.

 

Signalons le très utile site de l’université de Stanford, Gendered Innovation, qui tente de recenser les biais de genre dans les innovations techniques.

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