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Enseignez-moi « la philosophie »


Déchet(s) recommandé(s)

…ou plutôt : donnez-moi des conseils pour m'initier à ce domaine.

Voilà bien longtemps que j'entends parler de Kant, Nietzsche et compagnie mais : je n'ai jamais vraiment pris le temps de me pencher sur la philosophie d'une manière générale et j'aimerais combler mon manque grave de connaissance.

Des ouvrages à me conseiller ? La philosophie pour les nuls ? Je ne suis pas très friand de ce genre de livre donc si vous avez des conseils pour débuter : je suis preneur, notez que je suis bien entendu ouvert à tout courant philosophique.

Merci à vous.

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Si ce n'est pas déjà fait, je te suggère de lire l'article 'Philosophie' de Wikipedia en français et en anglais. Pour s'introduire à un sujet, wikipedia est excellent. Il ne faut pas lever le nez sur cet outil sous prétexte que le contenu est ajouté par la communauté.

Après avoir fait un survol général au moyen de cet article, tu devras choisir un point à approfondir un peu pour ensuite passer à un autre point et l'approfondir un peu, etc.

C'est à toi de choisir comment tu dois découper ta matière en différents points. Tu peux par exemple prendre connaissance des principaux philosophes et aller lire leurs articles respectifs les uns après les autres. Au lieu de ça, tu as aussi la possibilité de prendre connaissance des principales branches et aller lire les articles de chaque branche. D'autres découpages de la matière sont possibles et tout aussi bons.

Si tu veux y aller par auteurs, tu devrais au moins t'intéresser à Platon, Aristote, Descartes, Kant et aller lire leurs articles.

Si tu veux y aller par branches, tu devrais au moins lire les articles sur l'éthique, la métaphysique, la philosophie de la connaissance (et des sciences), la logique, la philosophie du langage, la philosophie des mathématiques et la philosophie de l'esprit.

Tu peux aussi y aller par courants historiques: les présocratiques, la philosophie grecque, la philosophie médiévale, la philosophie moderne(rationalisme / empirisme), la philosophie contemporaine.

Tu devrais aussi lire quelques livres de différents auteurs/branches/courants.

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J'ai fait L au lycée, et j'ai bouffé quelques bons pavés difficiles sur la longueur. Pour moi la philosophie se découvre souvent par écho, par déclics soudains sur des vérités moins empiriques que métaphoriques. Un texte pris dans l'ensemble d'une oeuvre philosophique est comme une expression prise dans un roman, mais cela peut s'apprécier néanmoins.

Ainsi, le mythe d'Aristophane dans Le Banquet de Platon et le dialogue de Diotime sur la nature d'Eros sont de belles icônes dans mon jardin philosophique.

1.

Le Mythe d’Aristophane, ou le mythe des androgynes, vestige d'une nature humaine anciennement divine par son absence de désir.

Jadis notre nature n’était pas ce qu’elle est à présent, elle était bien différente.

D’abord il y avait trois espèces d’hommes, et non deux, comme aujourd’hui: le mâle, la femelle, et, outre ces deux là, l’espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, mâle et femelle, dont elle était formée; aujourd’hui elle n’existe plus, ce n’est qu’un nom décrié.

De plus, chaque homme était dans son ensemble de forme ronde, avec un dos et des flancs arrondis, quatre mains, autant de jambes, deux visages tout à fait pareils sur un cou rond, et sur ces deux visages opposés une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération et tout le reste à l’avenant. Il marchait droit, comme à présent, dans le sens qu’il voulait, et, quand il se mettait à courir vite, il faisait comme les saltimbanques qui tournent en cercle en lançant leurs jambes en l’air; s’appuyant sur leurs membres qui étaient au nombre de huit, ils tournaient rapidement sur eux-mêmes. Et ces trois espèces étaient ainsi conformées parce que le mâle tirait son origine du soleil, la femelle de la terre, l’espèce mixte de la lune, qui participe de l’un et de l’autre. Ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaires, et comme ils avaient de grands courages, ils attaquèrent les dieux, et ce qu’Homère dit d’Ephialte et d’Otos, on le dit d’eux, à savoir qu’ils tentèrent d’escalader le ciel pour combattre les dieux.Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant: ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants; car c’était anéantir les hommages et le culte que les hommes rendent aux dieux; d’un autre côté, ils ne pouvaient non plus tolérer leur insolence. Enfin Jupiter, ayant trouvé, non sans peine, un expédient, prit la parole: “Je crois, dit-il, tenir le moyen de conserver les hommes tout en mettant un terme à leur licence: c’est de les rendre plus faibles. Je vais immédiatement les couper en deux l’un après l’autre; nous obtiendrons ainsi le double résultat de les affaiblir et de tirer d’eux davantage, puisqu’ils seront plus nombreux. Ils marcheront droit sur deux jambes. S’ils continuent à se montrer insolents et ne veulent pas se tenir en repos, je les couperai encore une fois en deux, et les réduirai à marcher sur une jambe à cloche-pied.

Ayant ainsi parlé, il coupa les hommes en deux, comme on coupe des alizés pour les sécher ou comme on coupe un oeuf avec un cheveu; et chaque fois qu’il en avait coupé un, il ordonnait à Apollon de retourner le visage et la moitié du cou du côté de la coupure, afin qu’en voyant sa coupure l’homme devînt plus modeste, et il lui commandait de guérir le reste. Apollon retournait donc le visage et, ramassant de partout la peau sur ce qu’on appelle à présent le ventre, comme on fait des bourses à courroie, il ne laissait qu’un orifice et liait la peau au milieu du ventre: c’est ce qu’on appelle le nombril. Puis il polissait la plupart des plis et façonnait la poitrine avec un instrument pareil à celui dont les cordonniers se servent pour polir sur la forme des plis du cuir; mais il laissait quelques plis, ceux qui sont au ventre même et au nombril, pour être un souvenir de l’antique châtiment.

Or quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle; et, s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble, les hommes mourraient de faim et d’inaction, parce qu’ils ne voulaient rien faire les uns sans les autres; et quand une moitié était morte et que l’autre survivait, celle-ci en cherchait une autre et s’enlaçait à elle, soit que ce fût une moitié de femme entière -ce qu’on appelle femme aujourd’hui- soit que ce fût une moitié d’homme, et la race s’éteignait.

Alors Zeus, touché de pitié, imagine un autre expédient: il transpose les organes de la génération sur le devant; jusqu’alors ils les portaient derrière et ils engendraient et enfantaient non point les uns dans les autres, mais sur la terre, comme les cigales. Il plaça donc les organes sur le devant et par là fit que les hommes engendrèrent les uns dans les autres, c’est-à-dire le mâle dans la femelle. Cette disposition était à deux fins: si l’étreinte avait lieu entre un homme et une femme, ils enfanteraient pour perpétuer la race, et, si elle avait lieu entre un mâle et un mâle, la satiété les sépareraient pour un temps, ils se mettraient au travail et pourvoiraient à tous les besoins de l’existence. C’est de ce moment que date l’amour inné des hommes les uns pour les autres: l’amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine.

Chacun de nous est donc comme une tessère d’hospitalité, puisque nous avons été coupés comme des soles et que d’un nous sommes devenus deux; aussi, chacun cherche sa moitié. Tous les hommes qui sont une moitié de ce composé de deux sexes que l’on appelait androgyne aiment les femmes, et c’est de là que viennent la plupart des hommes adultères; de même toutes les femmes qui aiment les hommes et pratiquent l’adultère appartiennent aussi à cette espèce. Mais toutes celles qui sont une moitié de femme ne prêtent aucune attention aux hommes, elles préfèrent s’adresser aux femmes et c’est de cette espèce que viennent les tribades.

2. La nature d'Eros, l'ambivalence du désir amoureux.

DIOTIME

Ne vois-tu donc pas que, toi aussi, tu penses que l’Amour n’est pas un dieu ?

SOCRATE

Quoi ! lui répondis-je, est-ce que l’Amour est mortel ?

DIOTIME

Nullement.

SOCRATE

Mais enfin, Diotime, dis-moi, qu’est-il donc ?

DIOTIME

C’est, comme je le disais tout à l’heure, quelque chose d’intermédiaire entre le mortel et l’immortel.

SOCRATE

Qu’est-il donc enfin ?

DIOTIME

Un grand démon, Socrate ; car tout démon [202e] tient le milieu entre les dieux et les hommes.

SOCRATE

Quelle est, lui dis-je, la fonction d’un démon ?

DIOTIME

D’être l’interprète et l’entremetteur entre les dieux et les hommes, d’apporter au ciel les prières et les sacrifices des hommes, et de rapporter aux hommes les ordres des dieux et la rémunération des sacrifices qu’ils leur ont offerts. Les démons remplissent l’intervalle qui sépare le ciel de la terre : ils sont le lien qui unit le grand tout. C’est d’eux que procède toute la science divinatoire et l’art des prêtres relativement aux sacrifices, aux mystères, aux enchantements, [203a] aux prophéties et à la magie. La nature divine n’entrant jamais en communication directe avec l’homme, c’est encore par l’intermédiaire des démons que les dieux commercent et s’entretiennent avec les hommes, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil. Celui qui est savant dans toutes ces choses est un démoniaque * , et celui qui est habile dans le reste, dans les arts et les métiers, est un manœuvre. Les démons sont en grand nombre et de plusieurs sortes, et l’Amour est l’un d’eux.

SOCRATE

De quels parents tire-t-il sa naissance ? dis-je à Diotime.

DIOTIME

Je vais te le dire, répondit-elle, quoique le récit en soit un peu long.

[203b] A la naissance de Vénus, il y eut chez les dieux un grand festin où se trouvait entre autres Poros [opulence] , fils de Métis [intelligence, ruse] . Après le repas, Pénia [indigence] s’en vint mendier quelques restes et se tint auprès de la porte. En ce moment, Poros, enivré de nectar (car on ne faisait pas encore usage du vin), sortit de la salle et entra dans le jardin de Jupiter, où le sommeil ne tarda pas à fermer ses yeux appesantis. Alors, Pénia, poussée par son état de pénurie, imagina d’avoir un enfant de Poros. [203c] Elle alla donc se coucher auprès de lui, et devint mère de l’Amour. C’est pourquoi l’Amour devint le compagnon et le serviteur de Vénus, ayant été conçu le jour même où elle naquit ; outre que de sa nature il aime la beauté, et que Vénus est belle.

Et maintenant comme fils de Poros et de Pénia, voici quel fut son partage : d’abord il est toujours pauvre, et, loin d’être beau et délicat, comme on le pense généralement, il est maigre, malpropre, sans chaussures, [203d] sans domicile, sans autre lit que la terre, sans couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues ; enfin, comme sa mère, toujours dans le besoin. Mais, d’autre part, selon le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est mâle, hardi, persévérant, chasseur habile, toujours machinant quelque artifice, désireux de savoir et apprenant avec facilité, philosophant sans cesse, enchanteur, magicien, sophiste. De sa nature il n’est ni mortel [203e] ni immortel ; mais, dans le même jour, il est florissant et plein de vie, tant qu’il est dans l’abondance, puis il s’éteint, pour revivre encore par l’effet de la nature paternelle. Tout ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse, en sorte qu’il n’est jamais ni riche ni pauvre.

Il tient aussi le milieu entre la sagesse et l’ignorance : car aucun dieu ne philosophe ni [204a] ne désire devenir sage, puisque la sagesse est le propre de la nature divine ; et, en général, quiconque est sage ne philosophe pas. Il en est de même des ignorants, aucun d’eux ne philosophe ni ne désire devenir sage ; car l’ignorance a précisément le fâcheux effet de persuader à ceux qui ne sont ni beaux, ni bons, ni sages, qu’ils possèdent ces qualités : or nul ne désire les choses dont il ne se croit point dépourvu.

SOCRATE

Mais, Diotime, qui sont donc ceux qui philosophent, si ce ne sont ni les sages ni les ignorants ?

DIOTIME

Il est évident, [204b] même pour un enfant, dit-elle, que ce sont ceux qui tiennent le milieu entre les ignorants et les sages, et l’Amour est de ce nombre. La sagesse est une des plus belles choses du monde ; or l’Amour aime ce qui est beau ; en sorte qu’il faut conclure que l’Amour est amant de la sagesse, c’est-à-dire philosophe, et, comme tel, il tient le milieu entre le sage et l’ignorant. C’est à sa naissance qu’il le doit : car il est le fils d’un père sage et riche et d’une mère qui n’est ni riche ni sage. Telle est, mon cher Socrate, la nature de ce démon.

Quant à l’idée que tu t’en formais, il n’est pas étonnant qu’elle te fût venue ; [204c] car tu croyais, autant que j’ai pu le conjecturer par tes paroles, que l’Amour est ce qui est aimé et non ce qui aime. Voilà, je pense, pourquoi l’Amour te semblait très-beau ; car ce qui est aimable est la beauté réelle, la grâce, la perfection et le souverain bien. Mais ce qui aime est d’une tout autre nature, comme je viens de l’expliquer.

3.Bergson, dans Le Rire. L'insuffisance du langage et le pouvoir de l'art.

Enfin, pour tout dire, nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage. Car les mots (à l'exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même. Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel, d'originalement vécu. Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu'il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l'individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles, comme en un champ clos où notre force se mesure utilement avec d'autres forces ; et fascinés par l'action, attirés par elle, pour notre plus grand bien, sur le terrain qu'elle s'est choisi, nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes. Mais de loin en loin, par distraction, la nature suscite des âmes plus détachées de la vie. Je ne parle pas de ce détachement voulu, raisonné, systématique, qui est œuvre de réflexion et de philosophie. Je parle d'un détachement naturel, inné à la structure du sens ou de la conscience, et qui se manifeste tout de suite par une manière virginale, en quelque sorte, de voir, d'entendre ou de penser. Si ce détachement était complet, si l'âme n'adhérait plus à l'action par aucune de ses perceptions, elle serait l'âme d'un artiste comme le monde n'en a point vu encore. Elle excellerait dans tous les arts à la fois, ou plutôt elle les fondrait tous en un seul. Elle apercevrait toutes choses dans leur pureté originelle, aussi bien les formes, les couleurs et les sons du monde matériel que les plus subtils mouvements de la vie intérieure.

Mais c'est trop demander à la nature. Pour ceux mêmes d'entre nous qu'elle a faits artistes, c'est accidentellement, et d'un seul côté, qu'elle a soulevé le voile.

C'est dans une direction seulement qu'elle a oublié d'attacher la perception au besoin. Et comme chaque direction correspond à ce que nous appelons un sens, c'est par un de ses sens, et par ce sens seulement, que l'artiste est ordinairement voué à l'art. De là, à l'origine, la diversité des arts. De là aussi la spécialité des prédispositions. Celui-là s'attachera aux couleurs et aux formes, et comme il aime la couleur pour la couleur, la forme pour la forme, comme il les perçoit pour elles et non pour lui, c'est la vie intérieure des choses qu'il verra transparaître à travers leurs formes et leurs couleurs. Il la fera entrer peu à peu dans notre perception d'abord déconcertée. Pour un moment au moins, il nous détachera des préjugés de forme et de couleur qui s'interposaient entre notre œil et la réalité. Et il réalisera ainsi la plus haute ambition de l'art, qui est ici de nous révéler la nature. — D'autres se replieront plutôt sur eux-mêmes. Sous les mille actions naissantes qui dessinent au-dehors un sentiment, derrière le mot banal et social qui exprime et recouvre un état d'âme individuel, c'est le sentiment, c'est l'état d'âme qu'ils iront chercher simple et pur. Et pour nous induire à tenter le même effort sur nous-mêmes, ils s'ingénieront à nous faire voir quelque chose de ce qu'ils auront vu : par des arrangements rythmés de mots, qui arrivent ainsi à s'organiser ensemble et à s'animer d'une vie originale, ils nous disent, ou plutôt ils nous suggèrent, des choses que le langage n'était pas fait pour exprimer. — D'autres creuseront plus profondément encore. Sous ces joies et ces tristesses qui peuvent à la rigueur se traduire en paroles, ils saisiront quelque chose qui n'a plus rien de commun avec la parole, certains rythmes de vie et de respiration qui sont plus intérieurs à l'homme que ses sentiments les plus intérieurs, étant la loi vivante, variable avec chaque personne, de sa dépression et de son exaltation, de ses regrets et de ses espérances. En dégageant, en accentuant cette musique, ils l'imposeront à notre attention ; ils feront que nous nous y insérerons involontairement nous-mêmes, comme des passants qui entrent dans une danse. Et par là ils nous amèneront à ébranler aussi, tout au fond de nous, quelque chose qui attendait le moment de vibrer. — Ainsi, qu'il soit peinture, sculpture, poésie ou musique, l'art n'a d'autre objet que d'écarter les symboles pratiquement utiles, les généralités conventionnellement et socialement acceptées, enfin tout ce qui nous masque la réalité, pour nous mettre face à face avec la réalité même. C'est d'un malentendu sur ce point qu'est né le débat entre le réalisme et l'idéalisme dans l'art. L'art n'est sûrement qu'une vision plus directe de la réalité. Mais cette pureté de perception implique une rupture avec la convention utile, un désintéressement inné et spécialement localisé du sens ou de la conscience, enfin une certaine immatérialité de vie, qui est ce qu'on a toujours appelé de l'idéalisme. De sorte qu'on pourrait dire, sans jouer aucunement sur le sens des mots, que le réalisme est dans l'oeuvre quand l'idéalisme est dans l'âme, et que c'est à force d'idéalité seulement qu'on reprend contact avec la réalité.

Le Rire, Chap. III, Le comique de caractère extrait

"Je crois que le cerveau humain a une exigence fondamentale: celle d'avoir une représentation unifiée et cohérente du monde qui l'entoure, ainsi que des forces qui animent ce monde. Les mythes, comme les théories scientifiques, répondent à une exigence humaine. Dans tous les cas, et contrairement à ce que l'on pense souvent, il s'agit d'expliquer ce qu'on voit par ce qu'on ne voit pas, le monde invisible par un monde invisible qui est toujours le produit de l'imagination. Par exemple, on peut regarder la foudre comme l'expression de la colère divine ou comme une différence de potentiel entre les nuages et la Terre; on peut regarder une maladie comme le résultat d'un sort jeté à une personne, ou comme le résultat d'une infection virale, mais, dans tous les cas, ce qu'on invoque comme cause ou système d'explication, ce sont des forces invisibles qui sont censées régir le monde. Par conséquent qu'il s'agisse d'un mythe ou d'une théorie scientifique, tout système d'explication est le produit de l'imagination humaine. La grande différence entre mythe et théorie scientifique, c'est que le mythe se fige. Une fois imaginé, il est considréré comme la seule explication du monde possible. Tout ce qu'on rencontre comme evènement est interprété comme un signe qui confirme le mythe. Une theorie scientifique fonctionne de manière différente. les scientifiques s'efforcent de confronter le produit de leur imagination (la théorie scientifique) avec "la realité", c'est-à-dire l'épreuve des faits observables. De plus, ils ne se contentent pas de récolter les signes de sa validité, ils s'efforcent d'en produire d'autres, plus précis, en la soumettant à l'expérimentation. Et les résultats de celle-ci peuvent s'accorder ou non à la théorie. Et si l'accord ne se fait pas, il faut jeter la théorie et en trouver une autre.

Ainsi le propre de d'une théorie scientifique est d'être tout le temps modifiée ou amendée".

5.Kant, dans Critique de la raison pratique, Doctrine de la Vertu. Le pouvoir de ce texte est qu'il permet de comprendre que notre conscience morale d'être relève du bien commun.

« Tout homme a une conscience et se trouve observé menacé de manière générale tenu en respect (respect lié à la crainte) par un juge intérieur et cette puissance qui veille en lui sur les lois n’est pas quelque chose de forgé -arbitrairement- par lui-même mais elle est inhérente à son être. Elle le suit comme son ombre quand il pense lui échapper. Il peut sans doute par des plaisirs ou des distractions s’étourdir ou s’endormir, mais il ne saurait éviter parfois de revenir à soi ou de se réveiller dès lors qu’il en perçoit la voix terrible. Il est bien possible à l’homme de tomber dans la plus extrême abjection où il ne se soucie plus de cette voix, mais il ne peut jamais éviter de l’entendre. Cette disposition intellectuelle originaire et (puisqu’elle est la représentation du devoir) morale qu’on appelle conscience, a en elle-même ceci de particulier que bien que l’homme n’y ait affaire qu’avec lui-même, il se voit cependant contraint par sa raison d’agir comme sur l’ordre d’une autre personne. Car le débat dont il est ici question est celui d’une cause judiciaire causa devant un tribunal. Concevoir celui qui est accusé par sa conscience comme ne faisant qu’une seule et même personne avec le juge, est une manière absurde de se représenter le tribunal : car s’il en était ainsi l’accusateur perdrait toujours. C’est pourquoi pour ne pas être en contradiction avec elle-même, la conscience humaine en tous ses devoirs doit concevoir un autre (comme l’homme en général) qu’elle même comme juge de ses actions. Cet autre peut être maintenant une personne réelle ou seulement une personne idéale que la raison se donne à elle-même. »

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The Penguin History of Western Philosophy de David Hamlyn est en anglais, mais offre les descriptions des idées de plusieurs philosophes majeurs et mineurs de l'Occident. Présentés chronologiquement, les auteurs sont remis dans leur contexte social et historique et sont comparés avec ceux qui les ont influencé et ceux qu'ils ont inspiré.

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C'est relativement âgé (la dernière édition remonte à 1989, je crois), mais à moins de ne s'intéresser qu'à la philo contemporaine, ça n'a pas trop vieilli...

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(modifié)

Apprendre à vivre: Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations

Luc Ferry

Dans la première partie, LF rappelle ce qui à ses yeux constitue un système de pensée cohérent : une théorie (comment on comprend le monde), une éthique (comment vivre dignement), une doctrine de salut (comment vivre avec la perspective de l'irréversible et de la mort).

...

" Je vais te raconter l'histoire de la philosophie. Pas toute, bien sûr, mais quand même ses cinq plus grands moments. Chaque fois, je te donnerai l'exemple d'une ou deux grandes visions du monde liées à une époque afin que tu puisses, si tu le souhaites, commencer à lire par toi-même les œuvres les plus importantes. Je te fais, d'entrée de jeu, une promesse : toutes ces pensées, je te les exposerai d'une façon totalement claire, sans le

moindre jargon, mais en allant à l'essentiel, à ce qu'elles ont chaque fois de plus profond et de plus passionnant. Si tu prends la peine de me suivre, tu sauras donc vraiment en quoi consiste la philosophie, comment elle éclaire de façon irremplaçable les multiples interrogations qui portent sur la façon dont nous pourrions ou devrions conduire nos existences... "

9782081216624.jpg

je ne l'ai pas lu, mais mon frère m'en parle constamment.

...

http://www.philo5.com/

Modifié par Bernhard Bernhardt
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Oui enfin, si tu parles des soirées philosophie de comptoir, on connait déjà tous et on sait comment ça finit: en déclarations d'amour, accolades de bûcherons et vomitos. Maaaaaaais j'en suis sure que tes discussions doivent valoir la peine qu'on les écoute agen, Spinocheval.

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Tssssss ce bouquin est tellement nul. Orgie, philo, orgie, philo, mega orgie, mega philo.

Justine et les malheurs de la vertu est bien plus intéressant: c'est la base du sadisme.

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Oui enfin, si tu parles des soirées philosophie de comptoir, on connait déjà tous et on sait comment ça finit: en déclarations d'amour, accolades de bûcherons et vomitos. Maaaaaaais j'en suis sure que tes discussions doivent valoir la peine qu'on les écoute agen, Spinocheval.

Je ne parle pas d'avoir des entretiens profonds et réfléchis sur soi-même et l'autre, photo-de-chat.

Mais bien plus de discussion sérieuses, qui sont elles-mêmes l'évènement.

L'activité de divulger sa pensée dans le langage est critique dans la structure d'une idée.

La logique y s'opère et dispose des bases pour s'orienter dans la raison.

Pas ton genre de truc, en fait.

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