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La théorie du "backpack"


Déchet(s) recommandé(s)

J'hésitais à placer ce sujet ici ou dans le Cinéma 99¢, vu l'angle de la discussion que j'aimerais susciter. Pour ceux qui ne connaissent pas cette "théorie", elle est très bien présentée dans le film Up in the Air (2009), mettant en vedette George Clooney. C'est un film que j'ai vraiment adoré, non seulement parce qu'il est esthétiquement et techniquement bien fait, mais parce que le propos m'était très pertinent au moment où je l'ai vu. Je vous le suggère fortement. C'est également une adaptation du roman de Walter Kirn du même nom. Le personnage principal, Ryan Bingham, est un homme qui voyage beaucoup dans le cadre de son travail et qui a décidé d'adopter tout un mode de vie autour de ça, un mode de vie nomade. Il offre également des séminaires à temps partiel et c'est ce qu'on voit dans la bande annonce présentée ci bas. Dans cet extrait, il expose sa théorie du "backpack" lors d'une de ses conférences.

On pourrait comparer le concept à une simplicité volontaire poussée à l'extrême, qui est également appliquée aux relations interpersonnelles. Pour Ryan, plus vous avez de possessions et de liens avec des gens (intime ou pas), plus vous êtes contraints et avez de comptes à rendre, ce qui peut devenir lourd à la longue. L'idée consiste donc à minimiser le "poids de son sac à dos" afin d'être mobile et flexible, pour faciliter le succès de nos entreprises personnelles. Avant de commenter plus de mon côté, je voulais savoir si y avait des éboueurs qui se reconnaissent dans cette théorie. À l'inverse, est-ce qu'il y en a qui trouve l'idée absolument répugnante? En gros, vous en pensez quoi?

Pour ceux qui ont vu le film, les commentaires/critiques sur ce dernier en particulier sont aussi les bienvenues.

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J'ai pas vu ce film mais tu m'y incites vraiment. Je suis de ce genre oui, mais je vois pas ça d'un bon oeil. En fait, j'essaie de me débarrasser de ce comportement. Ça m'obsède un peu.

M'enfin, j'ai bien hâte d'écouter ça.

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(modifié)

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L'humanité a été pendant tellement longtemps nomade. L'homme sédentaire n'est qu'une parenthèse.

...

Je viens de téléchargé le film. Je vais l'écouter tantôt.

Modifié par Saint-Adolphe
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Bernhard a vidé son backpack de tous ses milliers (?) de points de réputation et de son ticket pour une vie légendaire pour repartir à zéro avec une nouvelle identité. C'est un bon exemple de la théorie en question.

Je me reconnais aussi beaucoup dans ça. La liberté et la flexibilité d'abord. Pas trop d'engagement, d'obligations, de paiements, de lourdeur, d'encombrement. Voyager léger et pouvoir se virer sur un 10¢ à toute occasion.

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Ca me semble une erreur de se réduire à des nomades, des requins ou des cygnes, même si c'est poétique de le faire. J'ai tellement entendu souvent les gens tenter d'expliquer les relations humaines en termes de chimie et de carpe diem... J'ai voulu me faire accroire que j'étais boheme une fois... je venais d'ecouter Trainspotting. Je sais pas ou je veux en venir.

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Y'a deux ans, j'ai fait un projet de recherche sur le tourisme sexuel, en Thaïlande. Je me suis rendue compte qu'il y avait deux industries touristiques parallèles, en Thaïlande : le tourisme sexuel ET le tourisme backpack. La conclusion de mon travail était que ces expériences étaient beaucoup plus similaires qu'on pourrait le croire. Encore aujourd'hui, quand je parle des backpackers rencontrés là-bas, mon expression faciale change et je deviens agressive.

La mobilité, la flexibilité, ce sont des valeurs modernes à partir desquelles se fragilisent les liens entre les Hommes.

La conclusion du film va en ce sens. Tout ça est un leurre.

Je n'aime pas trop m'auto-citer moi-même, mais c'est ce que j'en avais conclu sur le terrain. Je pense que c'est un p'tit texte pas pire pentoute.

J'reviendrai avec des anecdotes croustillantes un autre jour.

L'ÉLOGE DE LA RACINE

Cela fait plus de deux mois que j’ai quitté le Québec pour la Thaïlande, ayant en tête deux objectifs : réaliser mon projet de formation pratique en anthropologie et expérimenter le voyage dont on m’a tant vanté les bienfaits par le passé. Si le début et la fin de mon séjour en Asie du Sud-Est se seront déroulés sous l’égide du travail, j’ai tenté pendant deux semaines de ressentir ce sentiment de liberté caractéristique des récits des grands voyageurs. Dans le Nord de la Thaïlande, j’ai refusé de suivre un groupe en randonnée afin de visiter les tribus montagnardes. Je croyais pouvoir marcher par moi-même une fois rendue à Mae Salong. Une carte en main, j’y ai amorcé les premiers mètres d’un sentier qui était sensé me mener au village Akha le plus près. Après avoir passé quelques maisons, je me suis rendue compte que je n’étais pas invitée, que je ne parlais pas un mot Akha et que la seule chose que je pourrais faire une fois rendue sur place serait de prendre quelques clichés, si j’osais, et de redescendre vers mon guesthouse. J’ai donc rebroussé chemin et ai préféré siroter quelques tasses de thé en regardant les plantations d’où il avait été récolté. Cet après-midi encore, je regardais le soleil descendre sur le Mékong. C’était paisible, j’étais bien. Je me suis connectée à ce sentiment de quiétude pour finalement me rendre compte que je le retrouvais aussi chaque fois que je regardais la même scène mais depuis le parc de l’Artillerie, à quelques kilomètres de la maison.

Et soudainement m’est revenue en tête l’histoire du Petit Prince. Je croyais connaître cette histoire par coeur. J’en ai lu tous les chapitres à mes Fourmis, au camp Tekakwitha. J’ai joué le personnage de la rose dans une pièce de théâtre alors que j’avais dix-neuf ans. J’ai même donné le bouquin à Woré, ma soeur sénégalaise, avant de repartir pour le Canada. Pourtant, pas une seule fois n’avais-je pensé à cette histoire depuis mon départ.

C’est l’histoire d’un Petit Prince qui quitte sa planète pour aller explorer l‘univers. Il rencontre le Roi, le Vaniteux, l’Ivrogne. Il aboutit sur la terre, où il réalise l’absurdité du monde des Hommes. Puis il fait la connaissance du Renard, qui lui dit :

-Tu es responsable de ce que tu apprivoises.

Et, sous-entendu : tu ne peux connaître, et aimer, que ce que tu as apprivoisé. C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui la rend si importante.

«Vous êtes belles mais vous êtes vides» dit le Petit Prince aux autres roses qui tentent de le séduire sur son passage.

Depuis le mois de juin, j’ai fait la rencontre de quelques voyageurs. Ceux-là mêmes qui, auparavant, m’impressionnaient avec leur liste de pays visités qui s‘allongeait à l‘infini. Ils ont fait l’Asie, l’Australie, l’Amérique du Sud. Ils les ont enchaînés en quelques mois. Ils sont âgés entre vingt et trente ans, ont un gros sac sur le dos et se targuent de refuser les endroits commerciaux. Et pourtant... On peut voir leur regard s’allumer lorsqu’ils trouvent enfin un bar où on passe en boucle les vieux succès de Manu Chao. Je leur ai tous demandé s’ils ne s’ennuyaient pas, parfois, de la maison, de leur famille, de leurs amis... Ils ont tous répondu la même chose : il faut se tenir occupé. Alors ils font la fête et arborent fièrement la marque de leur bière favorite sur le devant de leur t-shirt. Et ils bougent. Ils aiment être en mouvement. Ils m’ont tous dit avoir appris plusieurs choses.

Mais quoi? Qu’avez-vous appris? Qu’est-ce qui aura changé après votre retour?

Tout, répondent-ils. Mais quoi encore?

J’ai appris que c’est ce que je veux faire de ma vie. Économiser de l’argent pour voyager.

D’accord, mais pourquoi?

Pour voyager.

Et je pensai, tout bas : pas de famille, pas d’amis? Que des gens utilisés au fil des destinations afin de ne pas s’ennuyer? Car peut-on vraiment dire que l’on connait quelqu’un si dès qu’il nous ennuie on change de partenaire? Peut-on vraiment dire que l’on connait un endroit si dès que le vernis de la nouveauté s’écaille on achète un billet de bus pour le quitter le plus rapidement possible afin de se remplir les yeux d’autres paysages?

Je me demandai encore : pourquoi quittez-vous le bateau? S’il y a des trous, montrez-les nous, et aidez-nous à les réparer.

L’année dernière, j’ai passé presque trois mois au Sénégal, au sein d’une famille. J’ai partagé mon quotidien pendant soixante-quinze jours avec les mêmes personnes, sénégalaises et québécoises. Avec le temps, j’ai développé pour ces personnes une profonde affection. Il était hors de question de fuir. C’était même écrit dans notre contrat. Il fallait faire face à la réalité. L’exotique devait devenir commun. Des collègues, des amies. Les vrais liens ne se tissent que pour le meilleur et pour le pire. Lorsque, à mon retour, on m’a demandé de parler de mes aventures sénégalaises, j’avais mille et une chose à raconter. J’étais pleine de souvenirs, ça débordait.

Une fois, un groupe de touristes allemands est venu en visite à Peykouk, notre village. Ces touristes avaient donné des bonbons aux enfants et s’étaient fait photographier à leurs côtés. J’avais trouvé ça insignifiant. Ces enfants étaient mes frères est sœurs. Moi, je pouvais dire : «voici Moudou. Moudou est un petit chenapant. Il aime jouer des tours et est très bon pour imiter le rituel qui précède les combats de boxe sénégalaise». Qu’ont dit ces touristes à leurs proches à propos des petits enfants noirs qu‘ils serraient dans leurs bras sur ces photographies?

À mon retour, je pourrai vous parler de mes touristes sexuels. Et des autres touristes aussi, qui, avec leur maison sur le dos, ont beaucoup plus de points communs avec les premiers qu‘ils n‘osent se l‘avouer. Ne vous attendez pas à plus d’informations à propos de la Thaïlande et du Laos si ce n‘est en lien avec ces sujets. Je ne saurai quoi vous dire. Car je n’ai apprivoisé personne et personne ne m’a apprivoisée.

«L’envie de changer d’air en a trompé plus d’un», ai-je lu cette semaine dans un livre prêté par un ami.

J'aurai appris bien plus de choses sur la culture laotienne par un documentaire vu à TV5Monde que pendant

les dix jours que j'y aurai passés. Le Laos restera pour moi un bien beau décor, sans plus.

«L'essentiel est invisible pour les yeux», écrivait Saint-Exupéry.

Quelle différence y a-t-il entre économiser de l’argent pour s’acheter des voitures, économiser de l’argent pour s’acheter un nouveau kit de golf ou économiser de l’argent pour aller faire la fête à l’autre bout du monde?

Mon travail tire à sa fin. Si ça n’avait été de ça, pour tout vous dire, je serais revenue avant.

Mes roses m’attendent, et me manquent.

Et il n'est pas question que je m'étourdisse pour les oublier.

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Ton experience personelle est intéressante.

C'était vraiment obligatoire d'en tirer une conclusion empirique comme celle-ci "La mobilité, la flexibilité, ce sont des valeurs modernes à partir desquelles se fragilisent les liens entre les Hommes."

Les gens qui voyagent ne se résume pas à des gens avec un gros backpack sur le dos qui vont dans des coins perdu pendant leurs vacances. Le film n'a d'ailleurs aucun fucking rapport avec ça, et la conclusion du film est loin d'être tranché comme ce que tu dis.

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(modifié)

Alors que le mec découvre qu'il a un coeur, il se fait fourrer. Effectivement, ce n'est pas si tranché. On pourrait tirer la conclusion comme quoi 'tant qu'à s'faire fourrer, aussi bien continuer à fourrer l'monde'. Mais bon.

Quand aux gens qui voyagent... Il n'y a pas mille et unes façons de faire non plus.

Effectivement, le dude dans le film n'est pas un backpacker. C'est un cosmopolite, qui est chez lui dans tous les grands hôtels du monde. Un citoyen du monde plein de cash.

Le backpacker est aussi un cosmopolite citoyen du monde, mais qui manque de cash. Le backpacker pense que l'authenticité, c'est la pauvreté.

Ensuite il y a le tourisme de masse. Il y a aussi le monde des humanitaires, des expatriés. Y'a les anthropologues qui essaient de se distinguer de tout ce beau monde là.

Dans le sens inverse, on retrouve les immigrants économiques, les réfugiés.

Ensuite?

Je persiste à croire que les backpackers et les mecs cosmopolites du type Up in the air vivent le même type d'expérience. Des relations contractuelles, ponctuelles, fondées sur le divertissement mutuel.

Modifié par mouchouânipi
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Sans jugement de valeur, c'est tout de même mieux nan ? : - )

Les relations humaines sont rarement désintéressé. En être conscient, aller au bout de sa logique et avoir des "relations contractuelles" comme tu le dis, je ne pense pas que ça soit mauvais. C'est un choix, qui a ses avantages, et ses désavantages.

Suremet autant que d'avoir une relation posséssive avec ses amis, comme bcp semblent le pratiquer.

Modifié par Majoras
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Sans jugement de valeur, c'est tout de même mieux nan ? : - )

Les relations humaines sont rarement désintéressé. En être conscient, aller au bout de sa logique et avoir des "relations contractuelles" comme tu le dis, je ne pense pas que ça soit mauvais. C'est un choix, qui a ses avantages, et ses désavantages.

Suremet autant que d'avoir une relation posséssive avec ses amis, comme bcp semblent le pratiquer.

C'est pas un jugement de valeur.

Quand t'es relations sont flexibles, contractuelles et ponctuelles, tu n'entretiens pas de liens solides avec les personnes qui t'entourent.

Il est donc juste de parler de 'frabilité des liens entre les Hommes'.

Mais bon, j'dois avouer avoir voler cette expression.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Zygmunt_Bauman

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Je n'ai pas vu le film, simplement écouté et lu la théorie telle que montrée dans le premier post.

En tout cas, c'est vrai qu'il ne sert à rien de faire l'effort d'entretenir tout plein de relations peu importantes (FACEBOOK). Ça demande de l'énergie pour rien, ça fait aussi qu'on peu pas vivre pleinement nos autres relations.

Sauf que, avoir un backpack plus léger en en enlevant des relations interpersonnelles, c'est peut-être mieux pour marcher, mais il reste que ton backpack est de plus en plus vide. Quand ce qu'on veut mettre à la place c'est des promotions et des biens matériels, ça ne vaut pas le coup de le vider.

Mouchou, ton texte m'a l'air super. J'ai parfois étée une fuyeuse, moi aussi. Exemple, je pouvais fermer mon cellulaire quelques jours, pour être tranquille. La vie sociale peut être overwhelming. Je ne vois pas qu'elle autre conclusion je peux en tirer.

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Un d'mandené tu vide ton backpack, pis tu l'vide encore, pis tu te dis "shit, chui ben rendu léger", pis tu continue à le vider, mais à un certain point tu te mets à VIDER TON ÂME en pensant qu'cest encore le backpack.

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J'ai vu Up in the air, c'est une bonne comédie intelligente avec des acteurs de qualité. Je me déplace constamment avec un sac à dos de randonnée 65 litres donc cette théorie n'est plus seulement une image, elle est bien tangible. Certes, j'ai des effets personnels (environ 1 pièce à déménager dans l'appartement) mais la plupart des articles dont j'ai besoin voyagent avec moi : ordinateur portable, tablette android, écouteurs (casque), couteau suisse, boussole, rallonge de 6 pieds.

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  • 1 an plus tard...
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J'ai vu Up in the air, c'est une bonne comédie intelligente avec des acteurs de qualité. Je me déplace constamment avec un sac à dos de randonnée 65 litres donc cette théorie n'est plus seulement une image, elle est bien tangible. Certes, j'ai des effets personnels (environ 1 pièce à déménager dans l'appartement) mais la plupart des articles dont j'ai besoin voyagent avec moi : ordinateur portable, tablette android, écouteurs (casque), couteau suisse, boussole, rallonge de 6 pieds.

Pourquoi t'as upgradé à 80 ?

Sinon j'ai bien aimé le film. Ça semble intéressant comme philosophie de vie le temps de faire le tour du monde. C'est sûr qu'après une couple d'années j'imagine que ça doit être lassant.

Modifié par Fünfzig Nachricht
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Petite parenthèse pour Majoras : ton avatar de Frédéric Bastiat c'est le bien

Libertarien ? (ou dérivé ?)

Et concernant le sujet :

http://lesociologue....le-backpackeur/

Backpack = Action de mettre un sac à dos sur ses épaules et de partir, tel Ernesto Guevara, à la découverte de terres inconnues et aussi, quelque part, de soi même. Le terme peut s’utiliser en verbe ou en nom propre.

Backpacker = Anglicisme (de l’anglais « Backpack ») qu’on pourrait traduire par voyageur effarouché(e) désignant toute personne aimant s’adonner aux joies du Backpack.

Ex : « Non mais laisse tomber, je reviens de deux semaines de backpack en Europe de l’Est, j’ai enchaîné festivals, concert, j’ai backpacké à l’ancienne, en mode fracture des yeux mec »

Le Sociologue a juré sur la Bible, le Coran et la Torah qu’il passerait au peigne fin chacun des grands profils de notre génération. Et s’il en est bien un qu’il ne faut pas oublier, de par son importance croissante dans notre société mais également au vu de l’intérêt qu’il suscite sur les réseaux sociaux, c’est le « backpacker ». Ce mot, souvent utilisé à tort et à travers, nous renvoie à un immense imaginaire collectif des grands voyageurs de ce monde, d‘Ernesto Che Guavara à Ernest Hemingway* en passant par Arthur Rimbaud et l’ivresse de son bateau. Partir léger, vivre d’amour et d’eau fraîche, se retrouver soi même pour revenir un peu meilleur. Cette figure de l’insouciance a pris du galon dans la hiérarchie du chercheur de bonheur en se muant en grand défenseur du « connais toi toi-même et le monde qui t’entoure ». Mais le backpacker peut-il chercher son bonheur comme un simple chercheur d’or qui partirait en direction d’un eldorado lointain, certain d’y trouver la richesse promise ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est évident, cependant, c’est que le backpacker du 21ème siècle aimera à dire qu’il a trouvé ce qu’il cherchait : une heureuse sérénité, une paix intérieure ou un éventuel coup de foudre pour un paysage, une culture, une population… L’éternel débat entre vérité et vanités trouve à nouveau son sens dans l’étymologie du backpacker et ses nombreuses interprétations… En somme, le Sociologue vous dresse un portrait de ce mystérieux inconnu aux innombrables facettes…

* Il n’est pas nécessaire de s’appeler Ernest pour être un bon backpacker.

I) Le Backpack, un fait de la génération Y

Le Backpack est intrinsèquement lié aux notions de découverte et d’expériences. Dans son chef d’œuvre « L’invitation au Voyage » (tiré du recueil les Fleurs du Mal), Baudelaire, cette grande plume qui a maintes fois pensé le voyage et son but, ne cesse de nous enjoindre à aller vivre ailleurs, là où « tout n’est qu’ordre et beauté, Luxe, calme et volupté ». Comme une injonction morale, le poète nous dit tout l’essentiel « d’aller là-bas vivre » pour y trouver ce qu’on ne saurait trouver ici. La génération Y, génération de philosophes cyniques nés des grandes crises économiques et morales de notre contemporanéité, voit un échappatoire ou une fuite momentanée. Fuir pour des zones reculées du monde pour se décentrer d’un quotidien dont on pense avoir fait le tour, pour oublier cette routine jonchée d’ennui parisien, d’angoisses sociales (environnement, emploi pour n’en citer que deux) et de toutes ces choses qui nous empêchent de toucher à un bonheur parfait. Cette génération d’Antigone refuse tout simulacre de joie et rejette en bloc les compromis. Leur imaginaire collectif considérable est avide de nouvelles découvertes, d’expérience et de rencontre d’autrui dans sa forme la plus désintéressée. Le backpack n’est finalement rien d’autre que cette grande promesse de bonheur pour cette génération qui a entendu plus souvent les mots crise et terrorisme qu’opportunité et stabilité.

II) S’éloigner de sa zone de confort pour mieux y revenir : Une nouvelle quête identitaire ?

Si l’on en revient à l’étude sémantique et aux origines du mot backpack, il est clair que cette activité présente des caractéristiques qui se distinguent du tourisme ordinaire de masse :

- Le sac à dos contre le combiné valise(s)/attaché(s)-case.

- Les « hostels » et les plans « couch surfing » contre les hôtels.

- Les paysages et les populations contre le cliché de la plage paradisiaque et du soleil.

Mais si tenté que le backpacker ne soit pas ce vacancier en quête de farniente classique et de confort, que cherche t-il dans ce cas? Ne souhaite t-il pas justement prendre le contrepied total de cette quête hédoniste occidental classique? Il est difficile de dresser un portrait unique du backpacker tant les expériences et attentes du backpacker du 21ème siècle sont diverses et variées. Pourtant, on peut au moins leur trouver un point commun: A travers ce voyage, c’est un peu de lui-même qu’il est venu découvrir. En somme, il recherche une expérience diamétralement opposée à ce qui constitue son quotidien : il rejette le confort de son lit douillet, il oublie la douceur de ses chocapics matinaux et embrasse un mode de vie fait de promiscuité (couch surfing, hostels) et de rencontre. Il fuit sa zone de confort le temps d’un voyage. Il fuit pour savourer l’expérience inédite de vivre sans être perpétuellement connecté. Quête au demeurant louable et désintéressée, le backpacker se décentre de l’Avoir pour mieux se recentrer sur l’Être. L’authenticité, voilà le grand dessein du backpack du 21ème siècle. L’authenticité de relations humaines dans le cadre d’une expérience unique qui n’a de but que l’étonnement et l’émerveillement.

III) Un Backpacker à géométrie variable

a) L’éco backpacker

L’éco backpack est l’attitude la plus cohérente au regard de l’esprit originel du backpack développé par la génération Beatnik. Sa philosophie est à mi chemin entre l’économie et l’écologie du voyage. Pour brosser un portrait bien stéréotypé, l’éco backpacker (fille ou garçon) a les cheveux longs et pas très propres il faut bien l’avouer. Il justifie son hygiène approximative par des arguments imparables: « Si tout le monde faisait pareil, on économiserait 60% de la consommation mondiale d’eau, soit environ la consommation de l’ensemble de la population américaine ». Il sait bien évidemment jouer de la guitare mais également de la flute de paon. Il aime à raconter qu’il a appris à maitriser cet instrument lors d’un voyage au Pérou qu’il effectua en tant que bénévole pour une association locale de lutte pour la protection de l’environnement. Il connait des trucs que personne d’autre que lui connaît, du style l’empreinte carbone d’une chasse d’eau ou le nombre actuel d’espèces de pingouins bengalais en voie de disparition. Il préfère bien évidemment chier dans la nature, c’est d’ailleurs – avec l’argent – une des raisons pour lesquelles il privilégie le camping sauvage aux hôtels. Il finance ses séjours backpack en faisant des travaux saisonniers du genre vendange ou récolte de pomme de terre. Il peut aussi bosser temporairement dans des hôstels pour être nourri et logé à l’œil. Vous savez, c’est ce jeune barbu à dreadlocks et au style vestimentaire décousu qui vous accueille à votre arrivée dans les auberges un peu bancales. Et lorsqu’en vous présentant, vous lui demandez d’où il vient, celui-ci vous gratifie d’un pamphlet contre les frontières et le patriotisme en se revendiquant citoyen du monde. Toujours sur la route, ce héros du quotidien a bien souvent perdu le sens de son voyage car il ne sait pas où revenir. Le voyage comme quotidien peut-il continuer d’émouvoir ? Rien n’est moins certain…

b) Le backpacker éternel et solitaire

Pur produit de cette génération Y en quête de spiritualité et de sens, le Backpacker solitaire s’est pris de passion pour l’aventure grâce au film « Into the Wild » (pas le porno, l’autre… !). En dépit de sa cruelle ironie résumée par sa morale de fin « happiness only real when shared », ce film a réveillé l’Indiana Jones qui sommeillait en lui. Il s’est dit que s’il devait crever un jour, autant que cela arrive en mangeant des baies empoisonnées par moins 15 degrés en Alaska ou en Patagonie plutôt que de faire un mauvais infarctus lié au stress de son travail. Il voyage léger, son guide du routard à la main, la tête dans les étoiles, allant d’émerveillement en émerveillement. En fait son excitation ne dure que deux jours. Au bout de 48 heures, il commence à s’emmerder sévère tout seul. D’autant plus s’il a commis l’erreur de faire périple vers la Mongolie intérieure*. Il cherche donc à taper l’amitié dans tous les hostels où il se rend afin d’y dégoter quelques partenaires de backpack. Si au départ, il se sent fier de son choix de partir seul, il a toutes les peines du monde à se justifier dès qu’on lui pose la question fatidique : « Mais tu voyages seul ? ». Il tente donc un début d’explication confus « non mais, j’avais vraiment envie de me retrouver moi même, une sorte d’introspection… ». Malheureusement il voit bien que son interlocuteur continue de le toiser avec un regard « tu n’as donc pas d’amis » soupçonneux. Le backpacker solitaire s’enfonce en lâchant avec un rire peu naturel « mes amis voulaient m’accompagner, c’est moi qui n’ai pas voulu ». Après quelques semaines passées seules avec lui même, il revient chez lui et chante à qui veut l’entendre que ce fut l’expérience la plus enrichissante de toute sa jeune vie. Et aussi la plus chiante, mais ça il le garde pour lui.

* nouvelle destination à la mode pour les backpackers.

c) Le néo backpacker :

« La bohème ça voulait dire on est heureux » nous dit l’immense Charles Aznavour. La bohème étant redevenue un peu hype, un nouveau style de backpacker a émergé : le backpacker aisé. C’est le backpacker qui décide d’aller backpacker en Amérique du Sud ou en Asie du Sud Est pour le côté fun, hype et aventurier de l’expérience, mais qui n’a pas omis d’emporter son Iphone 5 (+ chargeur) et son réflex à 800 euros dans son sac à dos. Il justifie son envie de prendre le large pour se déconnecter de ses désirs, mais hésite à envisager les hostels « cheap » de son « lonely planet ». Il tape restau sur restau en disant à ses potes à quel point la bouffe n’est pas chère par rapport à la France. Il continue bien entendu de twitter à tue-tête et de poster quelques clichés de fraicheurs sur sa timeline Facebook (en anglais généralement ou alors dans la langue du pays, genre utiliser le portugais/brésilien pour poster une photo du Corcovado, c’est très frais !). D’ailleurs, il lui arrive de littéralement pèter un plomb lorsqu’il découvre que son auberge de jeunesse située sur les plateaux andins de la Bolivie n’est pas équipée de la technologie wifi. A la recherche du like et du buzz facile, son voyage n’est qu’un pastiche de Backpack. Ce dernier pense d’abord à la belle photo qu’il va instagrammer plutôt qu’à remercier Dame Nature de l’avoir mis au monde et de lui avoir permis de jouir de telles merveilles.

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d) Le Backpacker Artiste qui veut serrer

Ce Backpacker un peu mesquin. Il est soit un photographe de l’ombre soit un écrivain en carton, mais il est persuadé que son talent saura faire de lui quelqu’un de célèbre, à condition de trouver sa muse. Il s’en va donc à la recherche de ce nouveau monde ou de cette Pocahontas qui lui offriront son grand prix de l’académie des beaux arts et son Goncourt. En fait, si son intention de départ est louable artistiquement parlant, elle constitue aussi et surtout un levier pour lever des gonzesses. Il est généralement très habile socialement. Il aime sortir son petit cahier (moleskine, of course !) à la vue de tout le monde pour y coucher sa prose pleine de promesse : « Aujourd’hui, j’ai fait caca trois fois. Vive la Turista ». Lorsque s’approche une jeune backpackeuseintrépide pour lui demander ce qu’il écrit, il referme vigoureusement son œuvre en déclarant avec classe « j’écris mais ce n’est pas encore assez bon » tout en jetant négligemment son foulard de poète sur ses épaules. Il fait alors mine de sombrer dans l’alcool avec cette jeune femme, à la manière de cet artiste trop exigeant envers lui même qui se soulerait pour mieux tendre vers un idéal de perfection qui le fuit. Il n’est pas rare que le backpacker Artiste revienne chez lui avec à peine une demi page écrite et des photos qu’un enfant de 5 ans aurait pu prendre avec le même appareil.

NDLR : Ce profil ne concerne que les hommes. Il n’est pas indissociable du backpacker séducteur (petit e).

e) Le Backpacker nighteur et séducteur

Le ou la Backpacker nighteur et séducteur est un fin stratège. Ce type de backpacker ne backpack que dans les lieux où ça nighte et où l’on trouve des bonnes meufs et/ou des beaux mecs. Voyager pour séduire hors des frontières de son pays et accrocher quelques nouveaux drapeaux au dessus de son lit. Ô Le beau projet ! Nul besoin de le répéter : le Backpacker séducteur est un fervent supporter des aventures Interrails, Festivals de musique et autres beuveries où la choppe est facile et la chope (de bière) est cheap. D’ailleurs si l’on dressait une cartographie du backpackeur et de ses différentes formes, on constaterait que l’Europe de l’Est fourmille de Backpacker séducteur, à contrario du Pérou et de la Bolivie par exemple. Une analyse poussée expliquerait aisément que le sex appeal des populations andines locales est inférieur à celui des filles de l’est.

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NDLR : Le Backpacker séducteur est à dissocier du pervers polymorphe qui voyage en Thailande. La philosophie n’est pas le même. Le vrai Backpacker séducteur ne se déleste d’aucun denier pour brosser un fessier.

IV) Que reste t-il de nos années Backpack ? La parole aux ex backpackers…

Le Che : A partir d’aujourd’hui, je ne suis plus médecin. Désormais je suis Backpacker !

Hemingway : Le Backpacker embrassa la mer d’un regard et se rendit compte de l’infinie solitude où il se trouvait.

Joachim du Bellay : Heureux qui, comme le Backpacker, a fait un beau Backpack !

Baudelaire : Ô Mort, vieux Backpacker, il est temps ! levons l’ancre ! Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre, Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons ! (…) Le Backpacker part au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau !

Céline : Le Backpack, c’est la recherche de ce rien du tout, de ce petit vertige pour couillon, rien de plus.

Claude Levi Strauss : Je hais le Backpack et les Backpackers…

Paul Theroux : Tourists don’t know where they’ve been, Backpackers don’t know where they’re going.

Conclusion :

Pourquoi écrire des lignes et des lignes pour conclure lorsqu’une ou deux phrases peuvent faire l’affaire ?

On s’étonne beaucoup trop de ce qu’on voit rarement et pas assez de ce que l’on voit tous les jours. Et si le backpacker partait pour revenir et à nouveau s’étonner de sa routine ?

NDLR : Le Sociologue backpack aussi un peu à ses heures perdues. Mais plus en mode séducteur.

Je tiens à apporter quelques précisions à ce sujet

C'est humoristique mais parisien

Le gars qui poste ça est une horreur de hipster parisianiste qui fréquente des types du même acabit

En France, un mec peut faire un backpack juste parce que c'est cool, c'est hype, c'est branché et ça fait baroudeur.

L'idée ne m'étant jamais venu à l'esprit, ni à moi, ni à mes confrères, je n'ai d'autre façon d'expliquer le phénomène que par la mode.

Kerouac a été ressorti des placards. Into the Wild est vu comme un chef d'oeuvre pour les cinéphiles médiocres et les adolescents.

Bref...

Modifié par Aberdeen
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  • 2 semaines plus tard...

Pourquoi t'as upgradé à 80 ?

Sinon j'ai bien aimé le film. Ça semble intéressant comme philosophie de vie le temps de faire le tour du monde. C'est sûr qu'après une couple d'années j'imagine que ça doit être lassant.

C'est pratique pour faire l'épicerie.

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